Extrait du livre « La puissance du Moi ».Moshe Feldenkrais
La posture s’apparente à l’action et non au maintien d’une position du corps. Le mot « acture » qui n’existe pas, conviendrait peut-être mieux. La qualité de son exactitude peut se juger de deux points de vue, qui mènent généralement à des conclusions diamétralement opposées.
Du point de vue de l’action proprement dite, chacun agit raisonnablement bien dans l’ensemble, adoptant une posture en rapport avec ses capacités. Lorsque l’on songe qu’on exige des enfants qui vont à l’école pour la première année de rester assis sans bouger pendant des heures, il faut leur accorder le droit de satisfaire cette exigence comme ils le peuvent. Ceux qui se tiennent mal en permanence ont des problèmes que n’ont pas ceux qui le font de temps en temps seulement, même si cela dure relativement longtemps. Les effets désagréables ne sont pas dus à la position en soi, mais au fait qu’elle est aliénante et exclusive chez tous ceux qui ont des problèmes de coordination. L’exclusion de toute autre attitude est, à l’évidence compulsive. La position des muscles fléchisseurs tendus et des extenseurs inhibés est typique d’un corps en quête de sécurité. Il en est toujours ainsi lorsque la peur s’installe. Les coups pleuvent sans qu’on puisse les esquiver ni les rendre car on se l’interdit, tout comme cela était interdit face aux parents. Alors on baisse la tête et on creuse la poitrine. Tant que cette attitude de peur prévaut, face à l’abandon ou au stress, dans des circonstances qui exigeraient pourtant, face à un adversaire plus puissant que soi, une réponse agressive, cette posture « fermée » demeurera la mieux adapte. Le coupable , en l’occurrence , est donc bien l’immaturité affective, et non telle ou telle posture, puisque c’est cette faiblesse émotionnelle qui en recrée sans cesse les conditions idéale.
Parler de « bonne » ou de « mauvaise » posture n’a aucun sens si l’on ne prend en considération le niveau de maturité, la situation de l’individu, ses ressources émotionnelles et sa condition physique .D’ailleurs, tous ces éléments se situent généralement très en deçà de leur niveau potentiel du fait de la compulsion. Le terme de compulsion est ici employé pour désigner la façon dont les habitudes de comportement ont été formées sous l’emprise de l’affection, du sentiment de sécurité et autres facteurs émotionnels, qui sont, pour un enfant, les seuls moyens de conquérir son droit à la vie.
Ce que l’on nomme « bonne posture » est une question de croissance émotionnelle et d’apprentissage. Il est inutile de passer son temps à essayer de se tenir d’une certaine façon, ou de répéter cent fois le même geste. Contrairement à ce que l’on pense, apprendre n’est pas plus un exercice purement intellectuel que l’adresse n’est purement physique. Cela consiste essentiellement à comprendre la relation entre le corps, l’esprit et le milieu, c’est –à dire le tout, sous forme de sensation qui à force, devient si précise que nous pouvons presque la décrire dans un langage accessible…